Le « covidien » de Julie Goislard – Libraire

Julie Goislard, libraire : “ Pour tous les commerçants, c’est la galère”

Le 14 mars dernier était une bonne journée pour Julie Goislard, libraire à Clichy (92). Ses recettes de la journée sont à la hauteur d’un “samedi avant Noël, les gens achetaient plus que d’habitude : des cahiers de vacances, des Bescherelles, des livres en prévision du confinement”. Pourtant, quelques heures après, la sentence tombe. Elle reçoit un coup de fil de son mari. Il lui annonce la décision du gouvernement de confiner la population et de fermer les lieux pouvant accueillir du public. “J’ai eu une réaction puérile, j’ai fermé seule la boutique et j’ai pleuré pendant deux heures”, “Je ne savais pas ce que j’allais devenir”. Il lui faut deux jours pour accuser le coup. “Et puis je me suis rendue compte qu’on était tous dans le même bateau, pour tous les commerçants c’est la galère (…) ça permet de relativiser, d’amortir le choc”. 

Contrairement aux grandes franchises comme Amazon, la libraire ne peut pas continuer de livrer et de prendre des commandes. Les entrepôts de tous les diffuseurs qui l’approvisionnent sont fermés et les services de logistiques ne travaillent plus. Et pourtant les demandes ne manquent pas : “J’ai dix textos par jour de mes clients. Ils me demandent si j’ai tel ou tel livre, s’ils peuvent le récupérer… on sent une pression des clients”. Un stress difficile à gérer car Julie ne peut pas accéder à ses stocks et ne veut pas prendre de risque en sortant de chez elle : “ Je ne veux pas livrer les gens tant qu’on n’a pas passé le pic de l’épidémie (..) même si je trouve ça sympa que les gens pensent à nous. Notre chance, en tant que commerce de proximité, c’est ce lien fort avec les clients” Un lien qu’elle continue d’entretenir via ses réseaux sociaux. Elle a d’ailleurs lancé un défi à ses clients sur la page Facebook de la librairie : envoyer une photo de sa lecture de “confinement”. Un défi relevé sans difficultés : “j’ai déjà 25 photos d’avance” : “certains lisent des classiques et d’autres des polars, des romans pour s’évader et se vider la tête”. De son côté, elle n’a pas vraiment le goût à la lecture. Normalement ses trajets entre Clichy et sa maison à Argenteuil lui permettent de lire trois livres par semaine. Un rythme impossible à tenir durant cette période. Le confinement la fait tourner en rond et elle n’a pas l’habitude “ Dans ce métier tu n’as pas une journée pareille, tu ne sais jamais quel est le premier client qui va pousser la porte. Là c’est tous les jours la même chose” se désole-t-elle. Pour s’évader un peu, la libraire à quand même emporté un roman de sa boutique. “Les Misérables, je dois être la seule libraire de France à ne jamais l’avoir lu” plaisante-t-elle. L’occasion de s’échapper, avant de penser à la suite. 

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