Interview de Franck Zal – CEO/CSO Hemarina SA

On entend beaucoup parler de votre société Hemarina depuis le début de la pandémie COVID-19. Elle pourrait intervenir dans le traitement des patients infectés. Pouvez-vous nous présenter votre entreprise ?

Hemarina est une société de biotechnologie que j’ai créée en 2007. La technologie développée est issue de mes travaux de recherche lorsque j’étais chercheur au CNRS. Je suis Dr en biologie marine et je me suis particulièrement intéressé à l’écophysiologie, à savoir essayer de comprendre pourquoi une espèce colonise tel ou tel environnement notamment dans les milieux marins extrêmes.

J’ai eu la chance de participer à de nombreuses campagnes sur les différents océans et ainsi de plonger dans les abysses à – 3 500 m à bord de sous-marins. Je me suis intéressé aux vers géants de plus de 3 m que l’on trouve sur les dorsales océaniques afin de comprendre comment ces animaux étaient capables de respirer dans un milieu très toxique riche en hydrogène sulfuré.
Un autre environnement marin a attiré toute mon attention : la plage. J’y ai étudié en particulier un ver marin très abondant sur l’estran entre la mer du Nord et Biarritz, l’arénicole.

En essayant de comprendre comment il respirait entre la marée haute et la marée basse, j’ai découvert chez ce ver vieux de 450 millions d’année, l’ancêtre de nos globules rouges. Il s’agit d’une hémoglobine extracellulaire capable de lier 40 fois plus d’oxygène qu’une hémoglobine de vertébré ; elle est aussi 250 fois plus petite qu’un globule rouge. À partir de cette hémoglobine nous avons développé une plateforme technologique capable d’oxygéner des cellules, des tissus, des organes et des organismes dans leur totalité.

Le principe est simple et est au centre de la vie : transporter et délivrer de l’oxygène.

Quelle est la solution thérapeutique proposée ? Le « comment ça marche » ?

À partir de cette plateforme technologique, nous avons ciblé des applications où l’oxygène est central comme dans la greffe d’organes et plus particulièrement la préservation des greffons en attente de transplantation.

Aujourd’hui, plus de 24 000 personnes sont en attente d’un organe, c’est un véritable problème de santé publique. Notre premier produit, HEMO2life® a été validé dans la greffe rénale où nous avons montré lors d’un essai sur l’homme que le produit n’induisait pas d’effet secondaire et que les reins conservés dans cette solution bénéficieraient d’une reprise de fonction trois fois supérieure par rapport aux solutions de préservation classiques.

Le Pr Lantieri, chirurgien plasticien à l’Hôpital Européen Georges Pompidou, l’a également utilisé dans une première mondiale : la deuxième greffe d’une face chez un patient. Nous développons également des pansements pour le traitement des plaies hypoxiques. Il faut savoir que l’on enregistre dans le monde une amputation toutes les 30 secondes liée au syndrome du pied diabétique. Nous fabriquons aussi des produits pour les maladies parodontales et les péri-implantites. Enfin, Nous avons ciblé des pathologies autour de l’ischémie, la drépanocytose, l’infarctus du myocarde, l’AVC.

Les applications potentielles sont infinies car elles résident sur un principe simple : l’oxygène est indispensable à la vie.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face ?

Principalement, le fait que cette découverte est une innovation de rupture totale qui a tout le potentiel de révolutionner des pans entiers de la médecine ou même des applications industrielles. Elle pourrait être utilisée dans des processus de productions d’anticorps monoclonaux, ce qui implique qu’il faut le temps que cette innovation percole et que les différents spécialistes se l’approprient. Aujourd’hui elle a fait le tour du monde !

Cette innovation est simple, elle est basée sur le biomimétisme, l’observation de la nature. Pour moi, la nature est une bibliothèque d’innovations. 

Qu’aurez-vous appris de cette période ?

La résilience. Le Président Nelson Mandela, un grand homme, disait « Je ne perds jamais. Soit je gagne soit j’apprends« .

Ensuite, comme vous le savez, nous étions prêts à apporter notre aide aux patients atteints du COVID-19. Nous avions obtenu toutes les autorisations, mais une lettre anonyme a provoqué la suspension de cet essai. Aujourd’hui, 18 avril 2020, il y a eu 642 nouveaux décès liés au coronavirus, 19 323 morts au total en France depuis le début de l’épidémie. Je ne peux m’y résoudre. Je reste néanmoins confiant sur la suite. Notre technologie n’a pas dit son dernier mot.

Site internet d’Hemarina

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