Interview : Steve Guillou, fondateur et CEO de Arkose

Bonjour et merci de nous avoir accordé cette interview. A l’approche des JO Paris 2024, nous avons souhaité nous pencher sur la place du sport en entreprise. Dans un premier temps, pourriez-vous rapidement vous présenter ainsi que l’histoire d’Arkose ?

Je suis Steve Guillou, j’ai 37 ans et papa de deux petites filles. Je suis président du groupe Arkose, créé en 2013. Tout a commencé avec une salle d’escalade à Montreuil, avant de se développer largement et arriver aujourd’hui à un total de 25 salles entre la France, la Belgique et l’Espagne. Nous avons aujourd’hui un peu plus de 500 collaborateurs. Nous nous sommes principalement développés sur l’escalade de bloc. Pour rappel, le bloc, c’est de l’escalade sur des murs au-dessus de gros tapis, comme dans le saut en hauteur ou à la perche. Au niveau des prises, cela marche par couleur comme au ski : du jaune pour le plus facile en passant par le vert, le bleu, le rouge et le violet, qu’on utilise pour le plus dur !

Nos salles sont plus que de simples lieux d’escalade : ce sont de véritables espaces de vie avec restauration et bar, et qui représentent d’ailleurs un peu plus du tiers de notre activité.

Et pourquoi avoir créé une première salle il y a plus de 10 ans maintenant ? J’étais passionné de sport en général et plus particulièrement d’escalade. J’avais l’envie de contribuer à développer la pratique. Il y avait en effet très peu d’offres à l’époque en 2013 et notamment un gros manque dans l’est parisien. Nous avons donc identifié cette première opportunité à Montreuil pour démarrer l’aventure.

Personnellement, j’ai commencé en extérieur mais je pratique aujourd’hui sur les deux terrains de jeux, c’est-à-dire à la fois en salle durant la semaine pour m’entrainer et en extérieur quand il fait beau et quand j’ai l’opportunité d’aller en montagne ou dans la forêt de Fontainebleau par exemple.

Au-delà des particuliers que vous accueillez quotidiennement, êtes-vous également sollicité par les entreprises ? Leur proposez-vous des formules spécifiques ?

Nous travaillons effectivement beaucoup avec les entreprises. Le premier moyen est la billetterie : les comités d’entreprise nous achètent des tickets d’entrée ou des abonnements pour les revendre en interne à leurs collaborateurs. Ensuite, nous proposons des formules comme des team-buildings ou des initiations à l’escalade.

On a également lancé une nouvelle activité qui plait pas mal aux entreprises. Nous avons très récemment inauguré une agence de voyage. On vend ce service à des particuliers mais également à des entreprises car nous proposons des voyages sur-mesure autour de la verticalité (montagne et escalade). On propose principalement des destinations en France, un peu en Espagne et le dernier était en Turquie ! C’est notre associée et directrice de l’agence qui se rend sur place pour trouver les lieux. Nous avons une certaine philosophie au sein du groupe Arkose : nous devons respecter un certain niveau de qualité (de vie, de restauration, de l’encadrement, etc.). Elle s’occupe donc de trouver les bons moniteurs, les bons fournisseurs pour la restauration et les boissons, les lieux d’hébergement pour proposer au global une offre très qualitative.

Et que viennent-elles chercher (Une séance ludique, du team-building,…) ?

L’escalade est un sport hyper convivial et c’est pour cela que ça marche très bien sur un format de team building. C’est très accessible, tout le monde peut s’y mettre. Peu importe le niveau de chaque personne, on grimpe tous sur les mêmes murs ; il n’y a que les prises utilisées qui changent. Les gens se donnent des conseils et s’encouragent. C’est donc très simple de créer ce climat d’entraide et un fort esprit d’équipe. Et dans la pratique de la difficulté (murs plus hauts avec utilisation de cordes et baudriers pour s’assurer), il y a la particularité d’avoir la « vie » de son collègue entre les mains puisque cela fonctionne en binôme : pendant que l’un grimpe, l’autre assure le premier au sol via la corde ; il doit donc être très vigilant. Le grimpeur doit avoir une totale confiance en son binôme, ce qui est assez fort.

L’escalade, qui fait partie des disciplines aux Jeux Olympiques, semble attirer de plus en plus de monde, et depuis un certain temps. Même Serendip accompagne aujourd’hui Manon Hily dans sa qualification depuis septembre 2023. Pourquoi, à votre avis ?

C’est ce que je disais juste avant : c’est vraiment un sport génial, facile d’accès, qu’on peut pratiquer seul ou entre amis, en famille…, et qui manquait malheureusement d’offre depuis très longtemps avant de se développer largement. Face à cette explosion de l’offre, les clients suivent donc c’est très positif.

En fait, il y a très peu d’alternatives de sports ludiques en ville. Si on veut faire du sport en ville, on a le fitness (qui n’est pas tellement réputé pour être fun) et ça se pratique principalement seul. En dehors des villes, on peut plus facilement avoir accès au foot en salle, ou au padel par exemple. Et il faut pouvoir tous arriver à la même heure ; c’est donc plus contraignant. Quant à l’escalade, souvent les gens se disent qu’ils vont grimper tel soir et certains vont suivre, d’autres arriver plus tard, etc. Il y a une grande flexibilité qui existait finalement assez peu dans les autres sports.

Au niveau de sa popularité, chez Arkose nous avons le sentiment que l’escalade a subi une croissance continue depuis notre création. C’est le développement des salles qui a permis de développer la pratique. Je pense que cela s’est beaucoup fait dans ce sens-là, et l’ouverture de chaque salle dans des quartiers différents donne la possibilité aux habitants de faire découvrir la grimpe à de nouveaux initiés. En région parisienne, il commence à y avoir une saturation du marché mais jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu de gros pic ou d’évènement particulier ayant déclenché un essor soudain de la pratique de l’escalade, en tout cas chez Arkose.

Et en ce qui concerne les JO, je pense qu’on va voir pas mal d’évolution dans les mois à venir. On en attend beaucoup à la fois durant la phase des Jeux cet été avec tous les gens qui y seront mais surtout après, avec les enfants qui voudront se mettre à l’escalade après les avoir vus de près ou de loin par exemple ! On ne sera malheureusement pas en capacité de tous les accueillir, mais on pense que cela va donner un coup de boost à l’activité notamment chez les plus jeunes. C’est un sport qui est par ailleurs très visuel : si les athlètes français se débrouillent bien, ce sera un véritable succès pour nous aussi !

Comment, dans une société où les gens ont peur de tout, l’escalade peut-elle autant attirer ?

Peut-être que l’escalade ne fait pas peur ! Plus sérieusement, je pense qu’on arrive vite à affronter la peur une fois qu’on y est. Elle nous permet même d’être d’autant plus vigilant, et de se concentrer totalement. Quand on grimpe, il est même impossible de penser à autre chose. Il faut être 100% focus sur nos mouvements, être à l’écoute de son corps. C’est même mieux d’avoir peur ! Il faut aussi avoir conscience de ses limites et de ses capacités.

Et après une bonne séance, on se sent mieux : à la fois vidé mais aussi fier d’avoir réussi et je pense que c’est aussi ça que les gens viennent chercher.

Il ne faut pas oublier, notamment en difficulté, qu’on est rapidement assez haut au-dessus du sol et suspendu à une corde ; on est plus du tout maitre de sa chute et cela peut rapidement être source d’angoisse. Certains sont même bloqués au moment de devoir enfiler le baudrier, avant même de grimper. C’est un peu moins vrai en bloc car le sommet est plus bas, et qu’on peut tomber à tout moment sans se faire mal grâce au tapis. Et c’est l’une des premières choses que l’on enseigne d’ailleurs : apprendre à tomber correctement !  

Quoi qu’il arrive, dans chaque groupe qu’on accueille, on a toujours environ 10% des gens qui ne veulent pas essayer. Il y a la peur du vide bien sûr, ou encore le surpoids important. Mais finalement, les gens passent toujours un bon moment même lorsqu’ils sont au sol, car ils peuvent être là pour assurer l’autre à la corde, discuter entre eux sur le tapis,… Certains finissent même par se laisser tenter au bout d’un moment ! Et chacune de nos salles sont aussi équipées d’un coin restauration, on y trouve donc toujours de la convivialité même sans être sur les murs. Au pire, si certains ne sont pas suspendus, ils sont posés avec une bière à la main et de quoi manger, et ils sont très heureux aussi !

Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui voudraient se mettre à l’escalade ?

Il faut juste essayer ! Il n’y a rien à acheter, il suffit d’avoir une tenue de sport à la maison et on s’occupe du reste ! Vous pourrez en effet louer vos chaussons de grimpe chez nous. Un conseil important serait de ne pas y aller seul. Cela peut être un peu intimidant la première fois donc c’est toujours plus sympa de s’initier avec un ami ou un collègue. On ne peut pas éviter la peur mais il faut se dire que quasi chaque personne qui s’essaye à l’escalade y revient. Une fois qu’ils y ont goûté, nos clients ne veulent plus lâcher et deviennent des habitués. Et c’est une manière de faire du sport de façon très ludique tout en travaillant l’ensemble du corps : un tout-en-un !

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