Interview de Britta Jaffre, Head of Quality Assurance and Regulatory Affairs @ Wandercraft

Wandercraft développe un exosquelette pour permettre aux personnes paraplégiques de marcher en autonomie.

Quelles sont les étapes clés dans la vie d’une Medtech ?
La première étape est d’avoir l’idée du produit ou du service. Ensuite démarre la prospection permettant le positionnement du produit ou service : quel va être le potentiel du marché ? Est-ce que l’on va proposer un produit/service avéré, ce qui nécessitera de prendre des parts de marché à la concurrence ? S’agit-il plutôt d’innovation pour laquelle il faut créer un besoin et convaincre de l’intérêt du produit ou du service que l’on veut proposer ? Une fois qu’on a vu le potentiel vient la question d’autorisation de mise sur le marché.

En quoi le poste de Responsable marquage CE / affaires réglementaires est stratégique pour une entreprise comme Wandercraft qui conçoit un produit de rupture ?
L’industrie du dispositif médical est fortement réglementée, et la définition d’une stratégie réglementaire permettant d’optimiser le temps d’accès au marché d’un produit innovant est donc un enjeu important. Selon moi, ce poste est crucial dans l’élaboration de cette stratégie: il est comme un pivot, une interface avec tous les départements de l’entreprise. Il n’y a pas besoin d’avoir une connaissance technique pointue du produit. En revanche, il faut avoir une capacité à interagir et discuter avec les équipes cliniques, qui vont être au plus proche des patients et des professionnels de santé, les équipes marketing, qui vont connaître le marché et promouvoir le produit et les équipes de R&D (mécanique, électronique, logiciel) pour les accompagner tout au long du développement du produit (dans le cas de Wandercraft, l’apparence de l’exosquelette, le code des algorithmes de marche, ndlr). En fonction de la définition du produit, le Responsable affaires réglementaires va déterminer les réglementations et normes applicables, notamment celles relatives aux bonnes pratiques de développement.
La sécurité du patient étant au cœur des préoccupations (notamment des autorités de santé en charge de la surveillance du marché), le rôle du poste marquage CE / affaires réglementaires est d’assurer la performance et la sécurité du produit. Il y a donc beaucoup de choses à prendre en compte au plus tôt dans le cycle de développement, notamment pour la planification et réalisation d’essais cliniques. Une norme concernant les exosquelettes à usage médical est en cours d’élaboration, mais il convient aussi de s’inspirer d’essais normatifs relatifs à des dispositifs comparables pour avoir un maximum d’informations.

70% des Medtechs et des Biotech françaises interrogées dans le rapport de France Biotech 2018 ont déclaré que le marquage CE est compliqué à obtenir, et particulièrement en France. Pourquoi selon vous ?
La Commission Européenne travaillait depuis plusieurs années à une refonte massive de la directive qui régit le marquage CE pour les dispositifs médicaux, suite notamment à divers scandales ayant touché l’industrie des médicaments et des dispositifs médicaux (ex : scandale des implants mammaires). En 2017, le nouveau règlement sur les dispositifs médicaux est sorti (il entrera en vigueur en mai 2020, ndlr) ce qui est un véritable tsunami réglementaire pour le marquage CE. Comme toutes les parties impliquées dans le marquage CE savent que ce nouveau règlement est en préparation depuis des années, elles ont commencé à devenir plus exigeantes.

On sait qu’il y a une pénurie de chargée de qualité / affaires réglementaires. Quelles sont les formations pour exercer ce métier ?
Depuis plus d’une dizaine d’années, l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) propose une formation en biomédical qui aborde la qualité et les affaires réglementaires. Sinon, les cursus sont plus récents : l’université de Bordeaux entre autre propose un master “Biomatériaux et dispositifs médicaux”.
Il y a également l’ISIFC à Besançon, qui a une bonne formation ciblée autour de la qualité, du réglementaire et du clinique. Je fais peu attention cursus lors des recrutements, car je pense que pour exercer ce métier, il faut surtout faire preuve de bon sens et avoir une compréhension technique polyvalente. Dans ce contexte, une formation ingénieur généraliste convient très bien.

Quels sont les soft skills pour exercer le métier d’affaires réglementaires dans le device ?
Je pense qu’il faut surtout avoir de la rigueur, donner du cadre, faire preuve de flexibilité et ne pas s’arrêter à l’aspect dissuasif de la réglementation. Ce que l’on a appris dans la réglementation est souvent noir ou blanc, alors que la réalité est plus nuancée : on va donc devoir adapter. Il faut aussi savoir faire preuve de leadership pour emmener les équipes et leur faire toucher du doigt où sont les risques, car on est souvent contraint par des normes. Enfin, il faut être organisé et savoir gérer ses priorités.

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