Interview de Marc Harboun, Chef de service à l’Hôpital La Porte Verte


En tant que Chef de service, quelles sont les difficultés pour recruter et fidéliser les médecins ?
A l’Hôpital la Porte Verte, nous concentrons nos efforts pour que chaque médecin soit bien intégré en proposant : un accompagnement, une formation continue ainsi qu’une organisation et répartition de charge de travail équilibrée. Nous sommes dans un esprit hospitalier ESPIC (Etablissement de santé privé d’intérêt collectif, ndlr) ce qui assure une sécurité d’exercice et de formation des médecins. Mais la première grande difficulté que nous avons, c’est que nous sommes en concurrence sur le plan des salaires avec d’autres établissements, plutôt privés.
La deuxième difficulté est liée à la démographie médicale car un certain nombre de médecins privilégient les remplacements au salariat pour la liberté d’organisation de leur exercice et la rémunération. Je dirais que les jeunes médecins, après avoir vécu des moments difficiles sur le plan de leur salaire, sont tentés de commencer par des remplacements ou des gardes bien rémunérées car ils peuvent voir leur rémunération multipliée par trois, quatre ou plus, tout en pouvant gérer leur temps comme ils le souhaitent. On est facilement à 500 euros par jour en faisant des remplacements donc ça fait des salaires à 10 000 euros par mois, soit un salaire quasi-impossible pour un médecin hospitalier salarié. Ce phénomène est un véritable retournement.
Certains spécialistes comme les oncologues, les cardiologues ou les ophtalmologues ont le choix car il y a peu de médecins formés dans ces spécialités et de nombreux postes à pourvoir. Ils peuvent donc choisir les postes aux conditions qui leur conviennent.

Quels changements avez-vous remarqué depuis 5-10 ans ?
Ce que j’ai constaté sur la gériatrie notamment, c’est que 30 à 40 médecins par an étaient formés en Ile de France, mais on en retrouvait très peu (moins de 30%) dans les hôpitaux. Nous nous sommes donc posé la question du niveau de rémunération en sortie d’étude. On en déduit que certains ont comparé les niveaux de rémunération et ont choisi de se tourner vers le privé à but lucratif. J’utilise cet exemple pour la gériatrie où des demandes sont proposées dans des EHPAD, mais la même remarque peut être appliquée aux cardiologues ou aux neurologues.
Ce constat est d’autant plus vrai depuis les deux dernières années. Les médecins peuvent comparer les propositions de salaires comme dans « n’importe quel autre travail. Leur état d’esprit a changé. Leur choix est fondé sur leur qualité de vie autant personnelle que professionnelle. Aujourd’hui, il existe un décalage notable entre les salaires proposés dans les établissements privés et public. Des efforts pour l’intégration, le suivi, la formation doivent être déployés par les structures publiques ou ESPIC pour recruter des médecins.

Dans quels cas faites-vous appel à un cabinet de recrutement ?
Jusqu’il y a 4 ou 5 ans, nous faisions appel à des réseaux de collègues ou d’anciens collègues qui nous adressaient quelques médecins, mais cela ne fonctionne plus aussi bien car aujourd’hui, tout le monde subit les mêmes problèmes de recrutement.
De façon générale, j’ai l’impression que les établissements qui recrutent bien sont ceux qui véhiculent une bonne image et une bonne ambiance. C’est donc ce que j’essaye de faire. Quand ces méthodes ne fonctionnent pas, nous faisons appel à un cabinet de recrutement.
J’ai moi-même été recruté il y a dix ans par un cabinet de recrutement. Pour un médecin qui voit son salaire plafonner et trouve une certaine lassitude dans son travail sans pouvoir réaliser ses projets, être sollicité par un cabinet est positif car cela lui offre des possibilités auxquelles il n’avait pas songé.


Qu’attendez-vous d’un cabinet de recrutement spécialisé en sanitaire ?
Les cabinets de recrutement spécialisés peuvent contacter des praticiens qui ne sont pas forcément en recherche active, ce que les établissements ne peuvent pas ou n’ont pas le temps de faire. C’est important car parfois un médecin veut changer d’établissement mais ne l’a pas vraiment réalisé, trop encré dans la routine. Les cabinets peuvent avoir un rôle d’information et de conseil concernant d’autres parcours professionnels dans différents secteurs hospitaliers en recrutement. C’est une façon d’aider les médecins à évoluer et à trouver des passerelles pour obtenir des postes qui leur correspondent.

Leave a Reply

Your email address will not be published.

Share This

Copy Link to Clipboard

Copy