Interview de Patrick et Jérémy Bérart : métiers et réforme des retraites

1 – Bonjour et merci à tous les deux d’avoir accepté cette interview croisée père/fils. Tout d’abord, pourriez-vous vous présenter ainsi que votre parcours professionnel ? 

Jérémy : Je vais commencer car ce sera plus rapide que mon père ! Je suis commercial et j’ai commencé en septembre 2022 dans un laboratoire français, Euromedis, qui commercialise des dispositifs médicaux dédiés aux centres hospitaliers privés et publics. Notre portfolio produits est important, et je rencontre principalement les services de pharmacie. C’est nouveau pour moi car je n’ai commencé que récemment. Avant cela, j’étais dans le secteur du bâtiment, dans lequel j’ai pu m’épanouir durant mon master en alternance. 

Je viens de terminer ma période d’essai, cela se passe bien, j’arrive à mieux comprendre les rouages des process d’achats et c’est plaisant. 

Mon parcours scolaire est plutôt “classique”. Durant mon bachelor j’ai eu la chance de partir à l’étranger pour tenter d’y perfectionner mon niveau d’anglais. 

J’ai continué ensuite en alternance dans une entreprise en tant que chargé de développement dans le bâtiment. Une mission 100% commerciale. Après mes deux années de master, j’ai souhaité changer de voie et me diriger vers le médical.

Pour être honnête, j’ai toujours baigné dans le secteur médical et son environnement. Mon père y travaille depuis toujours. J’ai donc eu l’opportunité de faire des stages au sein d’entreprises dans lesquelles il était salarié et cela a renforcé mon choix d’intégrer, un jour, une société identique. Ma forte appétence pour ce secteur se confirme de jour en jour.

Patrick : J’ai le même parcours scolaire que Jérémy, un master, puis 28 ans au sein d’entreprises dédiées aux dispositifs médicaux, qu’elles soient françaises, européennes, américaines ou maintenant Israéliennes. 

Au fil des années, ma progression s’est faite assez rapidement. J’ai débuté en tant que Commercial puis Directeur Régional, Directeur Grands Comptes, Directeur des Ventes France et aujourd’hui Directeur Commercial France. 

2 – Cette idée d’interview parent/enfant nous est venue à la suite de l’actualité récente de la réforme des retraites. L’objectif de ces entretiens consiste à mieux comprendre les différences et similitudes d’un même métier/secteur sur deux générations distinctes. C’est aussi l’occasion de voir comment deux générations perçoivent et vivent cette réforme. Ainsi, chacun votre tour, pourriez-vous me parler de vos métiers et missions quotidiennes ainsi que des éléments qui seraient selon vous à améliorer, supprimer ou garder ? 

Jérémy : Mon expérience chez Euromedis a connu un démarrage un peu compliqué puisque j’ai récupéré un secteur vacant depuis plus de 4 ans. 

Ma première mission a été de renouer les liens avec tous nos clients et de les rassurer. Ma seconde mission consiste dorénavant à développer le CA sur mon secteur. Cela se traduit par des suivis d’appels d’offres publics, de négociations avec des cliniques privées, des essais produits, et surtout par une attention permanente envers nos clients qui ne souhaitent plus connaître les manquements du passé.

J’accompagne les pharmaciens et le personnel soignant au sein des établissements. Je leur montre mes produits retenus et j’organise des essais. 

Mon gros focus reste le développement des ventes des établissements privés. Le potentiel y est important et les décisions beaucoup plus rapides.

La société que je représente a une bonne réputation. Nous sommes très attractifs (qualité produit / prix de vente) sur le marché, c’est notre force. Notre catalogue produits de 3000 références me permet de souvent trouver une solution.

Aujourd’hui, j’ai 21 départements sur lesquels je suis 100% autonome. Mes objectifs ne sont ni mensuels ni trimestriels mais annuels. Ce n’est pas fréquent dans ce milieu, mais cela ne me dérange pas. Je mesure ma chance d’avoir obtenu ce premier job dans l’environnement que je souhaitais. Je travaille avec les CHU/CH/Cliniques, EHPAD, centres de rééducation, cliniques vétérinaires… ce large choix est une véritable aubaine, j’apprends tous les jours.

Les nombreux déplacements ne me dérangent pas. En général, je suis 3 nuits / semaine à l’hôtel. Mes journées sont faites de 4 rendez-vous “importants” par jour. J’organise mon emploi du temps en fonction de ces impératifs.

Et pour les choses qui seraient à revoir selon moi, c’est pour le moment compliqué car je suis en phase de découverte de cet univers-là. J’en apprends tous les jours donc je suis dans une phase d’euphorie, j’ai plaisir à aller travailler. Je pense que je pourrai vous en parler quand j’aurai une première année complète d’expérience dans le secteur. 

Patrick : De mon côté, j’ai été recruté il y a deux ans et demi. Ma mission principale est de coordonner et d’animer la force de vente en France et de travailler en collaboration avec l’équipe des services administratifs. Notre structure est en phase de développement, nous sommes 13 salariés en France (équipe de vente et services administratifs). Ce que je trouve génial dans mon métier, c’est sa diversité de clientèles : établissements de santé publics ou privés et la prestation de santé à domicile qui est notre plus grosse activité avec des structures nationales, comme Aléhos, Santé compagnie, Bastide…, mais également des centrales d’achats régionales et une centaine d’établissements indépendants répartis sur toute la France. Nous sommes spécialisés dans le secteur de la perfusion. A chaque fois qu’il faut perfuser un patient, à domicile ou à l’hôpital, avec un dispositif qui permet de réguler le débit, la durée ou encore la concentration d’un médicament, cela nécessite une pompe à perfusion spécifique. Nous commercialisons cette pompe, qui peut servir à tous les étages : Maternité, Oncologie, Soins palliatifs, Immunothérapie, antibiothérapie, domicile, etc. 

La structure a été créée en 2019, c’est donc récent. Il faut un peu de temps pour que tout se mette en place, mais nos résultats sont encourageants. 

Le siège social France est basé à Marseille. C’est notre lieu stratégique pour le suivi clientèle, service des marchés, comptabilité, RH, lancement de produits, communication, etc. 

Concernant les points d’amélioration, je constate que nous vivons une évolution du métier de commercial dans le secteur de la santé. Avec le temps, l’impact purement commercial diminue. Aujourd’hui, nous sommes davantage des ambassadeurs de la marque, très bons techniquement et cliniquement. Mais en termes de vente, ce n’est plus du tout ce que nous avions pu connaitre à l’époque. On est moins challengé, et j’ai dû modifier mon approche de recrutement car aujourd’hui les nouveaux candidats souhaitent un salaire fixe beaucoup plus important que la partie variable (qui tend à diminuer année après année) et recherchent un équilibre professionnel/personnel plus marqué que lors de mes débuts dans la profession. Il faut écouter et s’adapter, prendre le temps de modifier les missions quotidiennes de nos équipes.

Aujourd’hui, le marché des commerciaux est très volatile. Donc on essaie de faire le maximum pour que les gens se sentent bien dans leur poste. De ce fait, il faut avoir une bonne pédagogie pour assurer le bien-être de ses équipes tout en atteignant les objectifs fixés par nos dirigeants.

3 – Jérémy, que pensez-vous de cette évolution, de ces changements observés entre vos deux expériences ? Auriez-vous été attiré par ce métier à l’époque de votre père ? 

Jérémy : Quand j’écoute l’expérience de mon père, et surtout ses débuts, je constate que cela a beaucoup évolué. Le système de remboursement de la santé s’est énormément endurci, les centrales d’achats (à la suite de rachats et regroupement d’établissements) sont devenues de redoutables machines à négocier qui tendent à avoir des prix de vente qui diminuent année après année. Il faut donc compenser par du volume en gagnant des parts de marché sur nos concurrents. D’où l’intérêt de travailler dans des sociétés qui proposent des gammes innovantes, avec des marges importantes. Mais quand je vois le parcours réalisé par mon père, je peux dire que oui, à son époque j’aurais pu travailler sans difficulté. Il suffit de s’adapter !

4- Pour vous deux, qu’implique cette nouvelle réforme des retraites sur votre vie professionnelle (peurs, appréhensions, envies, etc.) ?

Jérémy : C’est quoi la retraite ? … Bien entendu je plaisante. Mais pour être honnête avec vous, cela n’a rien changé pour moi. J’ai 25 ans, je commence à peine à travailler, j’ai du mal à m’impliquer dans cette réforme. Mais je ne juge pas les motivations de ceux qui manifestent. J’imagine qu’on a tous des motivations différentes. 

Patrick : Évidemment, j’ai eu des discussions à ce sujet avec mes fils. Difficile de passer à côté…. Mais je tente de les rassurer. Avoir moins de 30 ans aujourd’hui, c’est bien plus compliqué qu’à mon époque ou celle de mes parents. C’est avoir entendu toute sa vie qu’il fallait être bon à l’école pour ne pas échouer, apprendre qu’on vit sur une planète malade, qu’il peut y avoir des virus qui paralysent le monde, que la guerre éclate à moins de 4h d’avion, qu’il va falloir travailler longtemps, etc. Il faut rester prudent et prendre le temps de discuter en restant objectif. Je souhaite éviter que mes fils participent à l’enrichissement des labos pharmaceutiques en prenant des anxiolytiques !

Je tente de leur expliquer qu’il devient très important de choisir une voie professionnelle qui donnera chaque jour du plaisir à aller travailler. Plus il y aura du plaisir et moins le besoin de devoir arrêter de travailler se fera ressentir. La vie est longue, il faut prendre son temps, rien n’urge. Je prends pour exemple des amis qui ne souhaitent pas stopper leur carrière parce qu’ils aiment ce qu’ils font.

Je rappelle également à Jérémy et ses frères que nous avons choisi un métier où les conditions de travail sont loin d’être difficiles. Certes il peut y avoir du stress, de la fatigue morale, des coups de moins bien, mais globalement nous ne sommes pas à plaindre. Il faut donc rester tolérant et écouter ceux pour qui travailler tard ressemblerait à de la souffrance. Je leur explique également qu’il existe diverses solutions de placements pour améliorer sa retraite. Mon rôle est de les accompagner, d’expliquer et surtout de les rassurer. 

5 – Finalement Patrick, est-ce ce type de carrière que vous souhaiteriez pour Jérémy ? 

Oui, bien entendu car je sais que c’est un métier qui est reconnaissant. Pour ceux qui travaillent en appliquant les règles, avec de bonnes valeurs, qui sont bosseurs, il existe de réelles opportunités. Il y a très peu de frustration dans ce métier avec une vraie reconnaissance des valeurs du travail. Je sais que ceux qui ont bonne presse auprès de leurs clients ou leurs dirigeants progressent bien. Il n’y a pas de secret. Et puis la santé est un secteur qui évolue tellement. Je m’intéresse de plus en plus à la médecine de demain et ce qui va arriver dans un futur proche est très excitant. C’est un environnement tellement intéressant. 

6 – Quels conseils donneriez-vous à Jérémy pour sa carrière ainsi que pour préparer sa retraite dans le futur ? 

Si je m’adresse à mon garçon, mon seul souhait serait qu’il soit heureux, qu’il fasse des choix qui lui permettront de profiter pleinement de sa vie.

Si je m’adresse au salarié Jérémy, alors je lui rappelle que la retraite sera inévitable et qu’il doit faire en sorte de tout mettre en œuvre pour que cette retraite soit la plus agréable possible : évoluer dans ses fonctions, prendre des responsabilités, faire preuve d’audace, mais également investir, etc.

Lui rappeler que tout est possible, à condition de le vouloir.


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