Interview de Sébastien Piat -Directeur Général d’AMBU France

Ambu est un des leaders mondiaux du SDRA, l’ « Ambu » est même rentré dans le langage populaire des soignants en service d’urgence. Où en est la filiale française après ces premières semaines de pandémie ?

Dans le contexte actuel de l’épidémie du Covid-19, nous communiquons le plus souvent avec nos clients pour répondre à leurs interrogations quant à la gestion des dispositifs médicaux Ambu. En effet, la majorité des produits commercialisés par Ambu concerne les services de réanimation et d’urgence largement affectés par ce virus respiratoire, il est donc primordial pour les soignants et les patients que nous puissions faire face.

Ambu commercialise effectivement le fameux AMBU, l’insufflateur manuel qui, depuis plus de 50 ans, est devenu un nom générique. Il qui permet de ventiler manuellement les patients en détresse respiratoire.

Depuis début mars, nous avons eu à faire à une forte augmentation de nos commandes avec des journées parfois 10 fois supérieures à la moyenne. Nous avons été en mesure, avec l’aide de l’ensemble de nos services logistique et client, d’assurer les livraisons sans difficulté pendant les 2 premières semaines. Mais dernièrement, le stock est vraiment en flux tendu et nous sommes obligés d’éclater les commandes pour livrer partiellement mais au plus grand nombre.

La gestion des stocks est assurée au niveau global afin qu’aucun impact ne soit observé tant dans les process de production que dans la chaîne d’approvisionnement.

Ceci nous permet de dire qu’aujourd’hui l’ensemble des clients Ambu ont reçu ou vont recevoir rapidement leurs commandes.

Les dispositifs de gestion des voies aériennes que nous produisons à Xiamen, en Chine, comprennent des insufflateurs, des masques laryngés et des masques faciaux. Les endoscopes à usage unique et les électrodes de cardiologie sont fabriqués par Ambu à Penang en Malaisie. À ce jour, nos deux usines fonctionnent normalement et à plein régime. Notre processus logistique a été optimisé (livraison par avion notamment) pour garantir la livraison de nos produits dans les meilleurs délais.

Cela impose tout de même des prévisions, les plus fiables possibles, dans une période où il est très difficile de prévoir ce qu’il va se passer la semaine suivante.

Nous avons ainsi réussi à gérer le mois de mars sans trop d’encombre en utilisant notre stock de sécurité, mais le mois d’avril sera difficile. En effet, maintenant les produits arrivent au compte goutte et repartent dans tous les pays touchés par le virus ; il y en a tellement.
Concernant nos équipes AMBU, depuis 3 semaines, les équipes commerciales terrain et siège sont organisées en télétravail, restent disponibles par téléphone, par Skype et par mail pour répondre et accompagner nos clients au quotidien. Tous les services supports sont également en home office. Le bureau est totalement fermé depuis 2 semaines.

On connait la puissance des majors dans le  domaine des technologies médicales pour faire face à ces évènements. Vous dirigez une PME, comment vous êtes vous adaptés ? Quelles ont été les plus fortes contraintes ?

Effectivement, aujourd’hui AMBU France est une PME et nous sommes 60 collaborateurs, notre siège est à Bordeaux.

Il a fallu réorganiser notre façon de travailler en quelques jours et tout cela sans service informatique. Nous avions déjà, avant le confinement, limité au maximum notre présence dans les hôpitaux afin de protéger nos équipes commerciales et ainsi laisser les soignants travailler dans les meilleures conditions. Passer en home office a été facile pour les commerciaux mais pour le personnel au siège cela a été une autre histoire.

Notre service marketing est équipé de PC portables et pratique parfois le home office, mais le service client, la comptabilité, la RH…et même la réception… ! Tout le monde est reparti à la maison avec son PC fixe, son écran, son clavier ou encore sa souris. Certains ont même pris leur chaise de bureau ! Il a fallu acheter en urgence des clés 4G pour ceux qui n’avaient pas un bon réseau… Ce sont les joies d’habiter en province ou à la campagne. Par bonheur, dès le lendemain tout fonctionnait parfaitement et tout le monde a réussi à communiquer. Aucun de nos clients ne subit de désagrément et la communication et l’entraide entre les collègues fonctionne à merveille. Tout les collaborateurs sont impliqués car ils savent que leur mission est essentielle. Nos produits sauvent les vies des patients, nous devons répondre présent et ce n’est pas une mauvaise connexion internet qui pourrait nous arrêter.

Qu’apprendrez-vous de cette période ?

Tout d’abord à travailler depuis la maison… Ce n’est pas le plus simple pour moi qui avait l’habitude depuis plus de 15 ans d’être en déplacement chaque semaine en France et à l’étranger. La bonne nouvelle c’est que pour aller à mon bureau installé dans le salon je n’ai pas de bouchon. Avant, je devais passer tout les jours le fameux pont d’Aquitaine en voiture et je vous confirme qu’il n’est pas assez large…

Plus sérieusement la situation actuelle nous impose de réagir extrêmement rapidement et prendre la bonne décision en quelques heures. Sur la répartition des commandes, l’organisation et la motivation des équipes. Il faut également savoir garder en tête que le temps sera long et ne pas se concentrer uniquement sur les problèmes du jours – souvent il y en a beaucoup.

Avec l’équipe de direction nous maintenons nos réunions stratégiques et nous continuons de travailler sur nos lancements de produits à venir pour la rentrée. C’est parfois compliqué de jongler entre un problème de livraison chez un client en panique et le lancement de notre nouveau endoscope à usage inique en Gastroentérologie.

J’essaie de garder le contact avec mes collègues des autres filiales notamment mon collègue en Italie qui vit une situation extrêmement compliquée depuis plus d’un mois maintenant. Cela me donne également les bonnes informations pour anticiper la situation qui sera la nôtre en France et m’aide à prendre les bonnes décisions.

Quelle sera votre journée d’aujourd’hui de dirigeant ?

  • Ce matin à 8h30 : Un livreur est venu à mon domicile chercher un colis qui contenait 2 insufflateurs manuels (les fameux AMBU). En effet, une société d’ingénierie m’a contacté la semaine dernière pour pouvoir fabriquer des respirateurs « système D » pour aider les hôpitaux. Elle va les recevoir demain et va pouvoir les intégrer sur son prototype. J’ai eu également ma maison mère au Danemark et mon ami Henrik du service logistique (il fait des miracles en ce moment) pour répartir les livraisons sur la base des nos commandes en attente… Et il y en a beaucoup… Cela va permettre de libérer plus de 150 commandes aujourd’hui.
  • A 10h : J’ai un Skype Meeting avec le marketing global pour présenter notre plan de lancement sur notre nouveau Ascope (le fameux endoscope à usage unique) en Urologie. C’est un domaine nouveau pour AMBU et nous le lancerons en fin d’année.
  • A 12h : Comme chaque jour, j’ai un call avec la logistique pour faire le point sur ce qui arrive et ce qui manque. C’est un meeting très important pour gérer au mieux notre supply chain et informer dans la foulée nous clients.
  • Dans l’après midi : J’ai des RDV téléphoniques avec chacun de mes direct reports pour faire le point sur les équipes, les écouter et trouver des solutions ensemble pour faire fonctionner au mieux les services.

Et comme nous sommes en début de mois et que le reporting ne s’arrête pas pendant la crise du Covid-19… Bien au contraire ! Je vais devoir faire mes monthly reports pour mars mais aussi mes Q1 et mettre à jour les forecasts pour les 12 prochains mois… Et cela risque de ne pas être simple. En fin de journée j’irai courir une petite demi-heure à côté de la maison dans les vignes.

Bref ce sera une fois de plus une journée bien remplie sous le soleil de l’entre deux mers.

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