Interview de Solveig Godeluck – Journaliste aux Echos

Solveig Godeluck est journaliste aux Echos où elle est en charge du dossier de la protection sociale et du système de santé. Elle est également chroniqueuse sur France Inter.

Comment se porte financièrement « Les Echos » pendant la crise sanitaire ? La presse bénéficie-t-elle d’un « effet confinement » ?

Globalement, c’est plutôt négatif. Quand il y a une crise, la pub – qui occupe une place importante dans notre modèle économique – n’est plus là. Les annonceurs se cassent aussi la figure, alors je m’attends à des temps difficiles. Cette crise n’est vraiment pas une bonne affaire pour la presse. Dans chaque crise nous perdons des lecteurs.

Rencontrez-vous des difficultés à exercer votre métier sans faire de terrain ? Sans pouvoir vérifier vos informations « sur place » ? 

D’ordinaire je mène mes missions avec très peu de terrain. Je connais bien les acteurs des domaines que je couvre (ndlr : ministère de la santé, HAS…) et je peux les joindre facilement. C’est sûr qu’avec le confinement mon travail est différent… C’est mieux quand on peut voir les gens ! Mais quand j’appelle mes interlocuteurs, ils ont une réputation à défendre : ils ne peuvent pas dire n’importe quoi.

Quel est l’état de la communication entre journalistes et gouvernement sur la situation sanitaire du pays ? Est-elle plus compliquée qu’habituellement ?

La relation est devenue très compliquée avec les personnes qui s’occupent de la santé au niveau de l’État. Ils sont tous débordés. Ils ont pourtant mis de nouvelles personnes à Santé Publique France et au Ministère mais elles ne connaissent pas les sujets. Avec le Ministère, il y a très peu de contacts, hormis les conférences de presse et les déclarations.

Et il y a ce que j’appelle le « cirque » des questions suite aux interventions quotidiennes de Jérôme Salomon, directeur général de la Santé. On ne peut pas poser nos questions en direct, spontanément. On doit les soumettre au préalable, c’est donc un dialogue de sourds. J’ai baptisé cela « le cadavre exquis journalistique ». C’est très gênant et très choquant.

Quels enseignements tirez-vous de cette période ? 

On peut toujours être surpris. L’impensable peut arriver. Cela m’a aussi appris que l’État est bien fragile. Il est aussi très difficile pour l’État de s’organiser. Les problèmes administratifs sont lourds et  la courroie de transmission est longue. Il y une vraie dilution des décisions prises.

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