Jean-Paul Quenesson, corniste à l’Orchestre national de France : « J’ai joué depuis mon ascenseur »
On peine à croire que Jean-Paul Quenesson pédale à toute allure quand il répond aux questions, tellement son souffle est maîtrisé. Une aisance qu’il tient de son métier : corniste dans l’Orchestre national de France. « Mon orchestre » comme il aime l’appeler, « on finit par s’y attacher » souffle-t-il. Son « coup de foudre » avec l’instrument à vent remonte à l’enfance. Petit, son père boulanger et « musicien à ses heures perdues » paie à Jean-Paul des leçons de piano « j’étais vraiment mauvais » raconte-t-il. Et puis, un jour, c’est la révélation. Le mari de sa professeure de musique joue du cor et les notes chantent dans ses oreilles : « j’ai vu une échappatoire pour ne plus jouer de piano ». Il découvre l’instrument et le travaille « comme un lion ». En 1984, Jean-Paul intègre en CDI le prestigieux Orchestre national de Radio France. « Quand j’étais adolescent, je les voyais jouer à la télé, ça me bouleversait déjà ». Désormais, il fait parti de cet orchestre « rebelle et révolutionnaire » comme second soliste.
D’habitude, du lundi au mercredi, il enchaîne les répétitions, avant le concert du jeudi soir à l’Auditorium de Radio France. Quelques fois, les musiciens partent en tournée « mais de moins en moins, ça coûte cher ». Le reste de la semaine est consacré aux projets pédagogiques. Les musiciens sillonnent les écoles pour sensibiliser les jeunes générations à leur art. Des activités stoppées nets avec le confinement.
Jean-Paul Quenesson l’avoue, depuis que la France est à l’arrêt « il est très malheureux ». La saison s’est terminée plus tôt que prévue avec notamment l’annulation du concert du 14 juillet, sous la Tour Eiffel. Les concerts, c’est « l’adrénaline » du corniste, « Si je suis musicien c’est pour jouer avec les autres ». Alors, à défaut de pouvoir s’entraîner avec ses collègues et de donner des concerts, les musiciens de l’orchestre se retrouvent sur Youtube, chacun avec leur instrument, pour jouer le répertoire de la musique classique. Une sorte de concert confiné « j’ai joué depuis mon ascenseur » raconte-t-il. Le corniste profite de cette période pour travailler sa technique en profondeur « plus important que le souffle pour le cor, ce sont nos lèvres. Je travaille la qualité de vibration de mes lèvres avec des exercices spécifiques. » Il continue aussi quotidiennement d’animer, à distance, des leçons pour ses élèves.
Mais Jean-Paul en a conscience, il n’est pas prêt de revenir s’entraîner avec le reste de l’orchestre, « les prioritaires sont les instruments à cordes, nous ça va être compliqué de jouer si on doit porter un masque… ». Pour l’instant, il tue le temps avec ses lectures en retard « en ce moment c’est Stendhal » et en pratiquant son autre passion : la cuisine.
En attendant de retrouver collègues et partitions, le soir à 20H, Jean-Paul applaudit comme ses voisins les soignants, et de temps en temps, il lui arrive de souffler quelques notes.
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